Si la gestion des ordures ménagères reste problématique dans nombre de collectivités locales, les habitants et riverains de Keur Massamba Guèye, dans la commune de Thiès-ouest, craignent pour leur santé et réclament un cadre de vie meilleur. Au bord de l’étouffement du fait de la fumée permanente et des odeurs nauséabondes nées d’un décor pas très reluisant au cœur de leur quartier, ils pointent un doigt accusateur vers la mairie de Thiès qu’ils somment de trouver une nouvelle décharge hors de la ville, afin de libérer leurs habitations sous l’emprise de la fumée née de l’incinération des ordures ménagères qui y sont déversées, chaque jour, par des camions et charrettes. Un site également fréquenté par des personnes qui, à longueur de journée, viennent fouiller dans les tas d’immondices, mains nues, à la recherche de ferrailles, de matériel usagé ou d’objets à recycler. Seneweb vous entraine dans l’univers de «Kamb ya», une décharge à la périphérie de Thiès, au centre des habitations sur la route de Mbour.
Un «Mbeubeuss» dans la cité du Rail
Elles ne passent pas inaperçues, ces ordures. Mieux, elles interpellent tout riverain ou voyageur qui emprunte la route de Mbour pour entrer ou sortir de la cité aux deux gares. Thiès, jadis connue pour la propreté de ses rues, pour le soin que la Ville réserve à la salubrité de ses quartiers. Aujourd’hui, s’il faut reconnaître que la ville est en train de retrouver son lustre d’antan en termes de propreté, sous le magistère du nouveau maire Talla Sylla, tel n’est pas le cas pour ces quartiers périphériques à cheval sur la route de Mbour, au milieu de ces habitations situées derrière le centre émetteur (Antenne) de Thiès, dans la commune ouest. Ces quartiers qui ont pour noms Keur Massamba Guèye 1 et 2, Sud-stade Lat-Dior dans une certaine mesure, Mbour 4, sur la route de Mbour, étouffent du fait des ordures déversées chaque jour sur ce site communément appelé «Kamb ya» (Les fossés), à proximité de la nouvelle station services Touba Oil, sise sur la route de Mbour.
«Ici c’est encore la commune de Thiès, ou plutôt la commune (ancienne communauté rurale) de Fandène», aime-t-on à préciser dans le voisinage où certains s’y perdent après l’entrée en vigueur de l’Acte 3 de la décentralisation. Nous voilà donc à «Kamb Ya» qui s’étend sur près de deux cents mètres de long, jadis l’emplacement de lacs asséchés. Au milieu des années 90, ces lacs n’étaient fréquentés que par des animaux, les peulhs nomades et leurs troupeaux en quête d’eau et de nourriture. Aujourd’hui, la saleté, les ordures ménagères ont remplacé l’eau et pollué l’atmosphère. Du fait des incinérations quasi-quotidiennes, la fumée noire qui émane de «Kamb Ya» s’étend à perte de vue, enveloppe le quartier et empêche de voir le beau ciel. Parce que des politiques peu soucieux des normes environnementales veulent faire de ce site au relief très accidenté, des lieux d’habitations déjà attribués à des tiers. En attendant, il faut, à l’autorité, charger des camions, remplir les fossés et les ordures ménagères. Faute de sable et de latérite suffisants.
Des “bujumen” passent la journée à fouiller dans les immondices
Dans le voisinage, une mosquée dont la construction a débuté en 2009 jouxte ce qui sert de dépotoir d’ordures de toutes sortes. Ordures ménagères, ferrailles, fumier, plastique, carcasses de voitures et cadavres d’animaux : on y croise toutes ces «merveilles» qui puent et polluent et dont on ne veut pas dans les maisons.
A notre passage, un camion-poubelle avait fini de décharger un tas d’ordures dans ce qui fut un grand lac dans un passé récent. Devant le ballet incessant des charretiers transportant des poubelles, des hommes et des femmes s’affairent au centre des immondices. Tantôt debout, tantôt assis au milieu des ordures, ils fouillent à mains nues dans ces poubelles pour dénicher ces “merveilles” à recycler. Parmi eux, deux dames, des sœurs jumelles qui ont fini de remplir des sacs d’objets de toutes sortes. Méfiantes, elles se sont vite retournées à notre arrivée, refusant d’entamer la conversation. L’une s’est dérobée aussitôt, alors que l’autre, plus ou moins coopérante, s’est contentée juste de nous balancer : «c’est pour nourrir les porcs». Mais, dans leurs dizaines de sacs déjà remplis, il n’y avait pas que de la nourriture pour les porcs…
«Parc-mbaam», une porcherie au milieu d’habitations et de maisons en chantier
La vérité des faits, c’est que voilà plus d’une dizaine d’années que les jumelles passent leurs journées dans ces lieux infects devenus leur domaine de prédilection. Le petit groupe de fouineurs est spécialisé dans la collecte de matériel usagé à recycler, d’objets rares, de ferraille, de plastiques. Ou de restes de nourriture pour gaver les porcs, un élevage qui occupe les jumelles. Il leur suffit juste de traverser la route de Mbour pour se rendre dans ces baraquements en face, nichés entre trois grands baobabs situés à 200 mètres de la route bitumée, la voie de contournement sud (Vcs). Les voilà dans la porcherie (ou abattoir) communément appelée «Parc Mbaam», sise dans l’emprise de la forêt classée de Mbour 4. Ici, l’odeur est infecte, mais ne semble déranger aucunement ceux qui y passent la journée pour donner à manger aux cochons.
Selon des témoins rencontrés par Seneweb, il s’agit d’un Titre foncier datant de la fin des années 70, octroyé par l’Etat à des chrétiens éleveurs de porcs qui y déroulent leurs activités. A l’époque, difficile d’imaginer que l’extension rapide de la ville allait engloutir ces porcheries. Aujourd’hui, tout autour du «Parc Mbaam», des habitations essaiment du fait de l’expansion effrénée de la commune. Des fondations et bâtiments voient le jour et cela ne l'empêche pas de recevoir de temps à autre son lot d'ordures. Des familles s’installent dans cette partie de la forêt classée, objet de tiraillement entre la mairie de Thiès-ouest et les propriétaires de champs ou leurs héritiers, qui y ont morcelé des parcelles revendus à des tiers pour servir d’habitations, en attendant l’acte de déclassement signé du président de la République. A en croire les occupants du site, les actes de vente ont essaimé au lendemain du «lotissement clandestin» effectué par la mairie du Thiès sur une partie de cette forêt classée, en 2006. Pour leur part, cultivateurs et propriétaires de champs, qui le perçoivent comme une injustice, construire en dur est la seule manière pour eux d'éviter d'être dépossédés de leurs champs, et s’opposer ainsi à la délivrance de documents "officiels" établis par les services de l’Urbanisme ou du Cadastre, des lettres d’attributions et numéros de parcelles fictifs qu’ils estiment illégaux, parce que non identifiables sur un site estampillé «forêt classée». Une situation litigieuse qui n’est pas très éloignée des réalités du site situé en face, qui abrite la décharge de «Kamb Ya» qui n’en est pas moins une zone accidentée, laquelle a déjà fait l’objet d’un lotissement, morcelée en parcelles, par les services compétents...
Des ordures jonchent le mur de la mosquée, une fumée omniprésente
Lieu où vient encore paître le bétail, des vaches à la merci du «péril plastique» très en vue sur le site, ces fossés devenues une décharge publique, n’ont plus leur raison d’exister. Mais ils continuent d’accueillir toutes les poubelles de la ville de Thiès. Pendant l’hivernage, c’est un spectacle pas très reluisant qui s’offre aux riverains, contraints de cohabiter avec la saleté, la fumée et les odeurs. «On est chez nous ici, mais on est obligé de faire avec ces ordures qui se mélangent à l’eau de pluie. Parfois on pense déménager, mais pour aller où ? On est chez nous ici, en attendant que la mairie nous débarrasse de cette décharge qui fait de nos habitations un enfer», confie un riverain qui évoque une «bombe écologique». Le mot est lâché car c’est bien d’une «bombe écologique» qu’il s’agit pour ces propriétaires qui ont acheté et construit tout autour du site, des bâtiments simples ou R+1, contraints qu'ils sont de cohabiter avec les ordures.
Prière du vendredi. Ou encore les 5 prières quotidiennes. Pour accéder à la mosquée de «Kamb Ya», il faut, par moments, se boucher les narines pour éviter de respirer cette odeur émanant de la pollution de l’air du fait des décharges situées au centre des habitations. «Cet emplacement du «grand lac» doit être enfoui avec des ordures, entièrement. Parce que, ici, ce sont des parcelles, déjà loties, et leurs propriétaires détiennent des actes, des documents officiels», renseigne un homme, la cinquantaine révolue. Mouleur de profession, il s’est lui-même occupé de la construction de la mosquée dont le mécène, un riche Thiesseois, n’est plus de ce monde. «Suite à un problème d’héritage, je n’ai toujours pas pu rentrer dans mes fonds», confie l’homme, chargé aujourd’hui de la surveillance du bulldozer louée par la mairie pour repousser et enfoncer dans l’ancien lac les ordures qui meublent «Kamb Ya» et jonchent un versant de la route de Mbour, éclipsant au passage le goudron sur des dizaines de mètres, rendant la circulation difficile, par moments. Un lieu où cohabitent hommes, femmes, saleté et bétail. Les autorités, elles, constatent et se contentent d’effectuer des visites sur le site, en compagnie de la presse, mais semblent résignées car aucun projet crédible n’a jusqu’ici été mis en œuvre, malgré les promesses multiples.
Ballet des autorités, promesses de délocalisation non tenues
Pourtant, lors des dernières visites effectuées sur le site, les autorités locales et de l’Etat, notamment les ministres de l’Environnement, qui se sont succédé sur les lieux, avaient promis de délocaliser la décharge et d’installer une usine de traitement et de recyclage des ordures. Une promesse restée en l'état, objet de déception pour les populations qui constatent que la matérialisation d’un tel projet n’est pas pour demain. Quid du projet de réhabilitation de la vallée de Diobass ? Le spectre des inondations plane sur ces zones no aedificandi pour la plupart, où des populations se sont installées au fil du temps.
Pour le moment, la mairie laisse faire et «Kamb Ya» se gave d’ordures et accepte tous les déchets de la ville. L’entretien de la décharge n’a pas été fait depuis plus d’un mois. Sur ce site infect, des ordures continuent d’être déversées quotidiennement, avec tous les risques sanitaires que cela comporte.
Recyclage des déchets : La Senelec fait fuir les bailleurs
Ex-adjoint au maire de Thiès et actuel vice-président du Conseil départemental, Yankhoba Diattara évoque un «projet complexe» que la Ville gère avec l’Etat à travers le programme «Ude» pour le ramassage de ces ordures dont le recyclage devait se faire avec l’appui des bailleurs, comme convenu entre les différentes parties-prenantes. «Il faut toujours l’autorisation du ministère de tutelle, le ministère des Collectivités locales et le ministère de l’Environnement, mais surtout le ministère de l’Energie», dit-il, lequel n’aurait pas joué sa partition pour rassurer les bailleurs. Yankhoba Diattara explique : «La Senelec avait fixé des montants dérisoires pour le rachat de l’énergie qui serait produite. Pour les partenaires, ce serait un investissement à perte», regrette l’élu départemental, joint par nos soins. Pour lui, la délocalisation de la décharge, une demande pressante des populations et riverains, «est un problème beaucoup plus complexe que nous avons tenté de gérer avec l’Etat». L’élu d’évoquer, toutefois, une autre alternative : la concrétisation du centre d’enfouissement technique, sur la route de Mont-Rolland, non encore achevée. «Nous avions sollicité à l’époque le ministère de l’Environnement et Djibo Ka nous a dit qu’il faut 1 milliard pour l’achever», a-t-il rappelé. N’empêche, «un partenariat était envisagé avec (la Ville de) Dakar», mais n’a rien donné. De ce fait, tous ces projets peinent à être matérialisés. Faute de moyens, mais surtout faute de volonté. La volonté de faire, de garantir à toutes les populations où qu’elles puissent se trouver, un cadre de vie décent. Un environnement sain à l’heure où le développement durable est sur toutes les lèvres.
Momar Mbaye - SenewebNews
14 Commentaires
Thiessboyy
En Juillet, 2015 (12:52 PM)Habitant De Keur Massamba Guey
En Juillet, 2015 (13:13 PM)Aidez nous SVP les ordures nous rendent malade.
Anonyme
En Juillet, 2015 (14:21 PM)C'est aussi dommage que les autorités laissent la situation 'amplifier et pourrir alors qu'il est plus facile d'y remédier maintenant avant que cela ne deviennent un mbeubeuss bis ou ter.
S'il faut un milliard aujourd'hui, il en faudra 5 dans deux ans etc alors il faut agir car il urge que le cadre de vie du commune des sénégalais soit respecté
Boy Usa
En Juillet, 2015 (15:11 PM)Anonyme
En Juillet, 2015 (15:50 PM)La mairie doit faire de ces ordures la priorité des priorités.
Du courage à la mairie.
Anonyme
En Juillet, 2015 (16:19 PM)Mais que du vent dans les discours
Gratuit
En Juillet, 2015 (17:32 PM)Jbus
En Juillet, 2015 (18:03 PM)Habitant De Thies
En Juillet, 2015 (20:15 PM)Babs
En Juillet, 2015 (21:42 PM)Anonyme
En Juillet, 2015 (07:38 AM)Fadi
En Juillet, 2015 (11:53 AM)Nous qui habitons dans la zone nous sommes vraiment fatigués,
"Kamb gua" est une vraie bombe éoclogique, La zone est devenue, une zone à risque surtout avec l'hivernage. Un problème de santé publique se pose avec acuité dans la zone avec le développement de certaines maladies épidermiques.
Il faudrait que les communes de Thies et de Fandène prennent des mesures drastiques le plus promptement possible.
A l'avévement de TALLA SYLLA à la mairie, nous avions grand espoir puisque présenté comme un homme de rigueur et travailleur mais l'espoir est fondu comme du beurre sous le soleil.
Thies est devenu trés sale,Les immondices sont visibles partout dans la ville mme au centre ville. Faites un tour à la place de FRANCE seulement, vous aurez un aperçu de la situation.
Il faut travailler, toujours travailler et minimiser les déclarations et intentions politiques.
Solutionnez "KAMB GUA"
Abibo
En Juillet, 2015 (13:28 PM)Pour un Sénégal Émergent, il faut d'abord des pensées émergentes. On a beau gaver la population de paroles mirobolantes, tant qu'un travail ne sera fait pour faire évoluer les mentalités, éduquer les populations, rien ne changera ! Le Développement est tout d'abord un état d'esprit. Le reste, ce sont des paroles et des manœuvres politiciennes.
Habitant
En Juillet, 2015 (16:24 PM)soluitionnez "kam gua"
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